‘le trajet. (1776- par Alexandre J. Spagnolo Président du Cercle Frangais En 1821, la fusion des deux compagnies eut lieu: la Hudson Bay Company absor- ba sous sa banniére la North West Company; toutefois, les Nor’Westers formérent presque la majorité du per- sonnel dirigeant. Le Professeur J.R. Colombo signale dans son étude que les plus impor- tants Nor’Westers furent Alexander Mackenzie, Da- vid Thompson et l’Américain Peter Pond....de Simon Fraser, aucune allusion, et pourtant? Revenons en arriére. Une rivalité entre les deux compagnies devait iné- luctablement se produire. Le pays mal délimité, des empiétements ne pouvaient que surgir. ; Ils surgirent avec des conséquences parfois san- glantes, entre des durs-a-cui- re, cela était inévitable. Relatons les faits. Les voyageurs, coureurs de bois, trappeurs des deux compagnies avaient un but commun: le lucre d’abord, ensuite la souveraineté sur le plus de terres possibles, soit dans le nord-américain, soit aux Etats-Unis, et main- tenir ces terres dans un permanent état sauvage... c’est impensable. Reconnaissons que ces deux compagnies, quoique Notre voyage aller fut sans histoire: dans notre wagon, moitié « marchandi- ses», moitié «voyageurs», nous cheminions lentement, cahotés sur des rails 4 peine . fixés sur des traverses enco- re mal tassées sur le ballast, avec de nombreux arréts pour décharger, dans la na- ture, des fournitures pour les rares colons riverains ou pour les hommes chargés de - la surveillance d’une section de voie ou de magasinage des diverses marchandises. Evidemment, la «station» ne comportait pas de bati- ments luxueux; la salle d’at- tente était soit la cabane de_ logs de l'employé, soit l’exté- rieur quand il faisait beau. Nous mimes donc plus de vingt heures pour effectuer En beaucoup d'endroits, nous passions sur des ponts de bois semblables comme des fréres a celui pour lequel nous avions tra- vaillé et souffert; aucun garde-fou, le regard plon-. geait directement a pic au- dessus des eaux écumantes; sous le poids, les bois gei- gnaient et grincaient et, parfois, sur la rive, on pou- vait voir les traces de bara- ' ques qu’envahissaient déja les grandes fougéres, les _ herbes a feu et la fougueuse végétation de la forét... | Zz —, = 1862) de Coquitlam rivales avec des hommes hardis et durs, furent des pionniers; elles établirent des voies de communication, des relevés topographiques, eréérent une mutuelle com- préhension avec les Indiens, construisirent des postes de troc avec ces derniers, mais ne furent pas des coloni- sateurs convaincus; au con- traire, des ennemis des colo- nies de peuplement: les plus féroces furent les hommes de la North West Compa- ny, d’ailleurs l’histoire les blama avec vigueur. Nous !’avons écrit, la Hud- son Bay Company mieux structurée, plus humaine, réalisa plus tard qu’elle fai- sait fausse route; elle bifur- qua vers le concept de I’inté- rét économique jumelé avec la théorie du peuplement, considérant qu'il y avait place pour des populations sédentaires, des colons, des fermiers, des artisans, etc. THOMAS DOUGLAS, COMTE DE SELKIRK La Hudson Bay Company trouva un homme qui pou- vait donner une amorce a sa nouvelle conception colonisa- trice. Voila done qu'un person- nage entra en scéne, il s’agit de Thomas Douglas, Comte Une surprise désagré- able nous attendait 4 |’arri- vée. Nous pensions que la place de l'indien Limping Jo, «Jo le Boiteux», se trouvait a proximité de la station, comme on nous I’avait indi- qué, a quelque cing Aa six cents métres, alors que qua- tre a cing miles nous en séparaient. Elle était située, en effet, sur les bords de la riviére. A partir de la baraque-station, la «grade» continuait 4 se faufiler vers Vouest et en notre esprit remontaient les souvenirs des dures journées passées a l'établissement d'une sem- blable voie, et une sorte de fierté montait en nous quand nous disions négli- gemment au gardien du poste notre participation a la construction d’un grand pont en bois, et l’histoire du caisson. Ainsi, nous ne fai- sions plus figure de »greens» mais presque déja de «old timers». Bref, il fallait maintenant atteindre le camp de Jo le Boiteux, connu des arpen- teurs sous le nom de «Lonely Place». _Et pour cela nous ap- puyer, sac au dos, avec une de notre “outfit”, les quelques miles que nous avions 4 couvrir, sur une _piste a peine tracée a tra- de Selkirk, le 5e du titre, né en Ecosse, en 1771. Réfléchi avec des pen- chants humanitaires. Alarmé par la pauvreté de ses compatriotes, les High- landers, il dressa le plan de les faire émigrer au Canada. ’ > - Thomas Douglas, Comte de Selkirk Huit-cents personnes ré- pondirent a son appel et eréérent une colonie a I'Ile du Prince Edouard: le Gou- vernement britannique refu- sa toute aide financiére... Ce fut un succés pour le Comte Selkirk et ses colons. Encouragé, le Comte Sel- kirk visa plus loin: lorsqu’il constata que la Hudson Bay Company, par sa charte de 1670, était virtuellement vers bois, creeks ou mus- kegs. Mais nous n’avions pas le choix, et nous décidames de partir vers la fin de l’aprés- midi, avec lindispensable: couvertes et repas du soir. Aprés avoir remercié notre héte pour son hospitalité, nous dévalames la piste qui, rapidement, s’enfoncait sous les arbres de la forét... Les Ponts et Chausses n’avaient sfrement pas dépensé beau- coup d’argent dans cette contrée pas encore ouverte et la marche se faisait assez dure, mais heureusement, avec la prudence innée des hommes de bois, des repéres étaient toujours marqués: arbustes aux branches liées en faisceau ou piquet plan- té avec, dans une entaille, une grosse touffe d’herbes séches ou un lambeau de calicot... ees Quelques petits arréts, quel- ques cigarettes grillées, le soir venait déja quand nous vimes apparalitre enfin des signes de vie plus palpa- bles: barriéres entourant des restes de meules de foin coupées sans doute au bord de quelque «slough» voisins ou quelque petit lac comme celui qui surgit tout 4 coup au tournant de la piste, bien nettoyé des branchages et _ autour duquel poussait une propriétaire de vastes terri- toires, pratiquement sans limites précises, l'idée lui vint d’acquérir le plus grand nombre d’actions ou de parts de cette société, lui permet- tant de contréler sa poli- tique. Il en obtint un bon tiers. Deuxiéme étape, il acheta, toujours de la Hudson Bay Company, des terres ferti- les entre les riviéres Assi- niboine et Rouge, connues sous le nom de “Terres de Rupert”. En 1811, les premiers colons écossais Highlanders avec des colons irlandais arrivérent et s’établirent prés de Winnipeg, sous la bénédiction du Comte de Selkirk. La North West Company s’alarma des plans du Comte et de la complicité de sa rivale. A ses yeux, il s’agissait d'une intrusion intolérable, mais l’action était tout de méme légale. Elle pressentit et craignit de futures activités de la H.B.C., dans le domaine de la colonisation sur des terres qu'elle jugeait plus ou moins les siennes, ayant opéré la des années durant. Craintes fondées sur le concept égoiste que l’établis- sement de colonies habitées et pratiquant l’agriculture allait 4 l’encontre du travail de ses hommes, trappeurs, voyageurs ou coureurs de bois, d’ot déclin possible de sa florissante entreprise. Nous retrouvons Simon herbe prometteuse; crottins et enfin, aprés quelques minutes, aboiements de chiens, signe vrai de la présence humaine. Et, der- riére un bosquet de saules, nous apparut en pleine natu- re saugave, dominant les berges de la riviére aux eaux claires et rapides, le shack de Limping Jo. : Attiré par les coups de gueule de ses chiens, molos- ses qui ne semblaient pas trés accueillants, mais qui, 4 son ordre, se calmérent vite, parut dans louverture de la porte une haute silhouette qui paraissait imposante, dans son cadre de bois. Aprés le «hello» tradition- nel et un «tant-se ketesaian» de notre part, formule de politesse indienne équiva- lant, en somme, a notre «comment allez-vous?», il nous fit entrer dans la cabane qui ne contenait que le strict nécessaire a la vie quotidienne d’un homme. Si un certain désordre met- tait une note d’originalité dans la piéce, tout paraissait net et propre: sol fait de petits rondins équarris a la - hache et proprement balayé, table rustique de méme fa- brication. Deux petites fené- tres éclairaient habitation. L’homme pouvait avoir dans les soixante-dix ans, riteaoy ; Le Soleil de Colombie, vendredi 17 aofit 1979 11 Une figure du passé: Simon Fraser Fraser, nommé chef du dis- trict afin de protéger, voire défendre les intéréts de son employeur, la rapace North West Company. De son cété, le Comte de Selkirk ne se tint pas coi; en guise de riposte, il nomma le juge Miles Macdonell, com- me gouverneur de la colonie, avec de grands pouvoirs pour protéger, a son tour, ses propres intéréts. Des pouvoirs, oui, il en fit usage, d’autant plus que la rivalité avait atteint son paroxysme: violence, actes de terreur et tout le reste d'agressivité. Forts des pouvoirs du gou- verneur-magistrat, les colons attaquérent et se ren- dirent maitres des dépéts, postes et installations de la North West Company. Celle-ci ordonna des re- présailles, elles eurent un certain succés, au point que plusieurs colons exprimé- rent le désir de partir pour Montréal. Le gouverneur Macdonell fut capturé et envoyé pour jugement a Montréal. Tout ceci ne fut rien a cété des suites de cette affaire, faisant de la Riviere Rouge un lieu marquant s’inscri- vant dans Vhistoire du Canada. Il n’y a aucun doute que la politique de Macdonell reflé- tait celle du Comte de Sel- mais ses cheveux étaient toujours aussi noirs, de ce noir bleuté comme I’aile des corbeaux et qu'on ne trouve que chez les Indiens. Son ascendance devait €étre assez noble, car les traits de sa figure et toute son allure pleine de fierté en portaient témoignage. Quand nous lui efimes indiqué le but de notre visite et que nous devions camper, dans le mélange de mots frangais, anglais, canadiens et cree qui formaient cependant un vocabulaire assez riche pour alimenter une conversation usuelle, il se leva et, digne- ment, nous conduisit 4 une autre cabane voisine qui était celle des hétes: méme mobilier intérieur et, de- hors, les pierres d'un foyer; dedans, en cas de mauvais temps, un autre foyer fait de gros galets de la riviére noyés dans la glaise blanche d'un marais. Tout compte kirk, jugée tout simplement insensée par le directeur et curateur du Bennington His- torical Museum, John Spargo, d’ou nous tirons ces éléments informatifs, pas toujours partagés quant aux opinions exprimées. LE MASSACRE DES SEPT CHENES [Seven Oaks Massacre] Il eut lieu en juin 1816, le point culminant de la rivalité ci-haut citée. Ne laissons pas de cété Simon Fraser, il y joua, parait-il, un malheureux réle qui détermina la fin peu glo- rieuse de sa carriére. En 1815, une nouvelle “tapée” d’immigrants arriva, toujours sous les auspices du Comte de Selkirk, ce qui provoqua une nouvelle flam- bée de violence a laquelle prirent part les “Bois Bri- lés”. On appelait “Bois Brilés” les personnes nées de péres blanes et de méres indien- nes de la région, en somme des Métis: ceux-ci enten- daient rester maitres chez eux, ou du moins sur leurs terres ancestrales, en majo- rité des descendants de voyageurs francais de la North West Company, celle- ci, par une campagne insi- dieuse, faisait croire 4 ces gens-la, que les nouveaux arrivants allaient les dépos- séder de leurs biens. Fanatisés, ils devinrent agressifs. A SUIVRE fait, et avec le recul des années, c’était bien la le type précurseur du genre mainte- nant tellement a la mode des barbecues et des cheminées «a la Courchevel»! Comme quoi l"homme qui se dit ou se croit civilisé revient incon- sciemment aux sources, par désir de paraitre ou d’épa- ter, et se nomme inventeur alors qu'il n’est qu’un pauvre plagiaire; car il lui manque toujours cette délicatesse et cette humilité que seule peut donner la grande et divine Nature a celui qui est son fidéle amant. Jo attendait sur le seuil. ' Sur son foyer, devant la porte, chantait déja l'eau de la bouilloire & thé et, dans la poéle, des tranches de bacon grésillaient, mélangées a des copeaux de viande d’orignal séchée en laniéres au soleil ou a la fumée de certaines branches d’arbres vertes. A SUIVRE... Société Devenez membre de la Société Historique Franco-Colombienne Cotisation annuelle: $4.00 membre individuel $10.00 membre groupe Franco-Colombienne, 9, Broadway Est, Vancouver, C.B. V5T 1V4