ee j i M. Brian Mulroney Premier ministre Monsieur le Premier ministre Le 16 janvier dernier, la FFHQ. demandait au secrétaire d’Etat, M. David Crombie, une rencon- tre afin de discuter de la répartition des programmes de langues officielles. Depuis, le Ministre n’a pas daigné nous signifier une réponse, pas méme un accusé de réception. Le 5 février dernier, les représentants de la FFHQ rencontraient des hauts fonction- naires concernés par le dossier afin de les sensibiliser 4 nos inquiétudes et leur faire part des demandes des organismes repré- sentant les Francophones vivant en milieu minoritaire. En toute confiance, nous espérions, aprés cette démarche, que le Ministre allait considérer le sérieux de nos préoccupations. Plus récemment encore, le 23 mars dernier, plus de 50 organismes francophones ont fait parvenir autant de télégrammes au Ministre pour lui indiquer clairement, une nouvelle fois, Yimportance d’une rencontre avec la FFHQ. L’attitude du Ministre, qui reste sourd a nos multiples demandes, nous porte a conclu- re, monsieur le Premier ministre, que le ministre Crombie ne se considére plus responsable des programmes gouvernementaux établis pour les communautés francophones. Au cours des trois derniéres années, le programme des langues officielles a subi des coupures importantes. Voila l'objet de nos préoccupations qui a motivé la demande d’une rencontre. Nous _ considérons donc que nos demandes sont trés légitimes et comme méritant une attention trés sérieuse de la part du gouvernement fédéral. En cette année de la francophonie, nous avions espéré une plus grande ouverture encore de votre gouvernement face aux communautés _ francophones. Malheureusement, tel ne semble pas le cas. C’est pourquoi aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, nous nous adressons a vous personnellement face au désinté- _ rét manifesté 4 notre égard. Nous savons que l’égalité des communautés de langues officiel- les est une préoccupation personnelle pour vous et nous savons l’intérét-que vous portez a cet égard. “Le bilinguisme est une dimension vitale a notre identité nationale” avez-vous déclaré le 27 mars 1985 a la Chambre des Communes. Nous demandons, par la présente, de vous rencontrer dans un proche avenir afin que nous puissions faire entendre nos ‘demandes toutes légitimes. Veuillez accepter, monsieur le Premier ministre, mon respect et mes salutations les plus sincéres. Yvon Fontaine Président, FFHQ Langues officielles: feux croisés sur le gouvernement Mulroney Vopposition. 1987 est une année uitale pour la francophonie, et c’est le moment que chotsit M. Crombie pour nous couper nos ressources.” Suite de la premiére page lettre (voir ci-contre) dans laquelle elle affirme que “Uattitu- de du ministre nous porte a croire quil ne se considére plus responsable des programmes gouvernementaux établis pour les communautés francophones.” La FFHQ termine sa lettre en demandant a rencontrer le premier ministre “dans un proche avenir.” (Et mardi, Yves Merzisen précisait: “Sile premier ministre ne nous entend pas, nous n’hésiterons pas @ approcher ‘Le Soleil de Colombie, vendredt 3 avril 1987 - 7 «La relance promise: l'année du test» Les grandes lignes du rapport de M. Fortier 1986 D’aprés le Commissaire, les efforts du gouvernement fédéral pour faire avancer le bilinguisme officiel ont été d’une telle tiédeur en 1986 que certaines provinces n’ont eu aucun mal 4a lui voler la vedette. Ainsi, Jl’Ontario a accordé des garanties juridiques touchant les services provinciaux et l’enseignement en francais, tandis que le Québec adoptait: une loi assurant, pour la premiére fois, la prestation de services sociaux et de santé en langue anglaise. Par contre, a quelques louables exceptions prés, “les organismes fédéraux se sont contentés de marquer le pas . en 1986”. En effet, pendant que les organismes centraux s’em- ployaient enfin de leur mieux a améliorer la Loz sur les langues offictelles, Vaffaiblissement des ressources consacrées a la réforme au sein des quelques 200 organismes fédéraux risquait de compromettre sérieusement la relance attendue. Le Rapport qualifie de “longue, cotiteuse et incertaine” la contestation judiciaire en matiére; de langues officielles. Dans les trois décisions linguisti- ques qu’elle a rendues en 1986, la Cour supréme a donné ]’impres- sion qu'elle préférait laisser certaines questions se régler dans Taréne politique. Aussi ses décisions n’ont-elle guére fait avancer JVégalité réelle du francais et de l'anglais, cette tache. restant essentiellement la, responsabilité des hommes poli- tiques provinciaux et fédéraux. Mais un fossé encore trop large subsiste entre leurs alléchantes promesses et l’insuffisance d’ins- piration de courage et d’argent disponibles pour leur réalisation pourtant nécessaire a la réconci- liation nationale. Le gouvernement he s’en attire pas moins les éloges: du Commissaire pour certaines de ses réalisations examen en profondeur des aspects juridiques et du fonctionnement de la politique linguistique, contribu- “tions au lancement de la chaine francaise de TVOntario et d’un quotidien francophone au Nouveau-Brunswick, interven- tions destinées €4 assurér au Canada un visage partiellement bilingue a Expo 86, signes d’intérét accru pour la promotion du bilinguisme dans le secteur privé. D’autre part, certains organismes:se sont distingués par leur détermination et. leur sens des responsabilités, notamment la Banque du Canada, Emploi et Immigration, la Banque fédérale de développement, la Chambre des communes, le ministére de la Justice, l’Office national du film,. Revenu national (Douanes et Accise) et ‘Approvisionnements et Services. Parmi les autres signes encoura- geants, le Rapport constate que le Comité mixte permanent des langues officielles s’est remis a l'étude systématique diinstitu- tions fédérales dont plusieurs paraissent incapables de _ se conformer aux normes fédérales minimales. “Les Canadiens disposent d’une capacité d’invention personnelle assez remarquable qui ne demande qua étre exploitée”, observe M. Fortier. Mais le gouvernement, tout en promet- tant une “nouvelle politique globale des langues officielles”, a généralementinsisté pour que l’on “fasse mieux avec moins” en imposant des plafonds ou des réductions a certains program- mes de soutien interne telles la traduction et la formation linguistique. Par souci légitime d’économie, on a di couper dans le superflu mais aussi, parfois, dans I’essentiel. Le public canadien se montre de plus en plus favorable a Végalité du francais et de Yanglais, et de plus en plus exigeant quant ala reconnaissan- ce pratique des droits linguisti- ques. Mais faute de mesures correctives plus vigoureuses de la part des gouvernements, c’est trop souvent aux tribunaux qu’on demande de résoudre des conflits qui pourraient l’étre de facon plus humaine et moins coateuse par voie de négociation. Pour le Commissaire, les nombreuses provinces qui ont négligé de concrétiser rapidement le droit -- consacré par la Charte -- a. l’enseignement dans la langue de la minorité, se sont montrées par la indignes “d’un Canada éclatré dont la maturité politique pourrait servir d’exemple au monde”. D’autre part, les plaintes recues par le Commissariat ont augmen- té de 18% .- em. 1986» “Te Commissaire a donc demandé, au Gouverneur en conseil et au Parlement, de décréter des remédes aux problémes qui se posent depuis des lustres dans les trois grands volets du programme linguistique : le service au public, la langue de travail et la pleine participation. On attend toujours les réactions officielles aux trois rapports soumis vers la fin de l’année. Insistant une fois de plus sur la situation extrémement précaire de nombreuses collectivités de langue minoritaire -- dont témoigneront encore, sans doute, les données démographiques du recensement de 1986 -- le Commissaire a réclamé une action gouvernementale énergi- que et concertée. Aux yeux de M. Fortier, la décentralisation du systéme de télédiffusion dans les deux langues officielles serait un bon moyen pour le gouvernement de donner leur chance aux minorités cest pourquoi il s'oppose a certaines recomman- dations centralisatrices formulées dans le Rapport du groupe de travail Caplan-Sauvageau sur la politique de radiodiffusion. Le Rapport souligne la -popularité croissante de l'immer- sion francaise chez les éléves anglophones, et constate que l’on comprend de mieux en mieux, en ce domaine, a quel point il est important de planifier et de définir les orientations. - C'est pour éviter la disgrace d'une mélée générale qu'il demande au gouvernement de profiter de la renégociation prochaine des ententes fédérales-provinciales dans le domaine de l’éducation pour instaurer de plus justes priorités, et une meilleure planification, en ce qui a trait a Yenseignement dans la langue minoritaire, 4 celui de la langue seconde et a l’enseignement postsecondaire dans les deux- langues. “Le Commissaire aux langues officielles fait toujours un peu figure de prophéte de malheur, conclut-il. L’année 1986 aura certes comblé les pessimsstes. Nous avons pourtant les moyens de renverser la situation : il sufftt ‘que l'on attaque ces problémes dans un esprit moins borné, moins tatillon.” 1987 Le Commissaire soutient depuis des années qu’une mise a jour en profondeur de la Loz sur les langues offictelles s'impose : d’abord pour en assurer la conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi pour corriger les deux grandes déficiences qu’on lui reproche le plus souvent : son imprécision quant a ses objectifs et a sa portée, et l’absence de moyens rapides et sirs de la faire respecter. La Loi devrait incorporer officiellement les trois dimensions de Tlégalité du francais et de l'anglais, €noncées dans la Résolution parlementaire de 1978 : le service au public, la langue de travail et la pleine participation et prévoir par ailleurs les moyens d’atteindre ces objectifs. La conjoncture actuelle -- discussions constitutionnelles sur la “spécificité” du Québec, négociations sur le libre-échange avec les Etats-Unis, remise en question des valeurs culturelles du Canada -- n'est certes pas facile, mais elle offre au gouvernement une possibilité unique de rapprocher les Canadiens grace a une meilleure compréhension de leur situation et de leurs besoins linguistiques. On connait l’importance des enjeux. Saurons-nous relever le défi ? C’est ce que nous verrons en 1987, l’année du test. En somme, toute la question pourrait se résumer ainsi : la gestion du programme des langues officielles doit étre plus cohérente et plus soutenue. Si lon veut lui insuffler une vie nouvelle, il faudra coordonner de facon suivie au niveau des idées tous les aspects de la gestion, et instaurer un esprit d’équipe dynamique dont les membres auront pour tache d’interpréter ces idées au profit des exécutants. Manifestement, il faut que le gouvernement montre la voie, que les organismes centraux donnent l’impulsion voulue en matiére de promotion et qu’on mette en place un systéme de ‘responsabilité plus rigoureux. ‘Je me demande si le gouvernement se rend totalement compte de la cohérence qu’exige la mise en oeuvre d'une telle politique linguistique a l’échelle nationale, déclarait mardi M. Fortier en conférence de presse. Pourtant, nous n’aurons pas un nombre illimité d’occasions de nous placer sur la bonne _ trajectotre; le moment est bien choist d’exprimer, avec clarté et confiance, le prix que nous attachons @ notre héritage lingutstique.” Le Commissaire a conclu en disant que “sz le Canada, avec les ressources et l'expérience dont il dispose, est incapable de mieux gérer son régime lingutstique qu'il ne le fait dUVheure actuelle, il y a vraiment de quot s’inquiéter. Je préfére penser que nous avons ttré des \legons des 17 derniéres années, et que mous avons aujourd'hui une meilleure idée des taches qui nous attendent; elles sont toutes a notre portée pourvu que nous nous y attaquions sans retard”.