1- NOS CRITIQUES DE SALON... NOS CRITIQUES DE SALON... Adroit Bilan trés positif Suite de la page 1 La liaison livre-spectacle était moins évidente dans le cas de «La cage aux fruits» ou pour des artistes comme Denise Guénette ou Eric Chartier. «Le Soleil de Colombie» a apprécié la pre- miére mise en scéne du Théatre a semer (voir notre critique en page 14), mais ce spectacle a été contesté par le public, c’est le moins que l'on puisse dire. Par contre jai personnellement détesté les représentations de Denise Guénette et d’Eric Chartier. Denise Guénette a profondé- ment décu au théatre du Robson Square Garden et, si elle semble avoir emporté Vadhésion des enfants dans ses trois spectacles pour les écoles, elle ne s'en est pas moins attiré des réflexions acides. «Personne ne fait plus ¢a au Québec», a-t-on enten- du 4 plusieurs reprises. Quant a Eric Chartier, autant ne pas en parler, il représente tout ce que la culture peut avoir d’ennuyeux quand elle est mal diffusée. Malgré ces points noirs, périphériques, le Salon 1984 aura été une bonne affaire. Pour les enfants qui ont appris, pour les plus grand: qui ont apprécié et pour le Centre culturel qui parvien dra sans doute a équilibrer son budget (les comptes ne sont pas encore totalement terminés a l’heure ou nous imprimons). Une opération réussie, en somme, avec beau coup de hauts et seulement une paire de bas. Par Jean-Francois Fournel A mi-chemin entre la pan- tomime et la _ jonglerie, Sylviane Allard et James Brown défient les lois de léquilibre pendant leur spec- tacle d’une demi-heure. Cer- ~ ceaux, quilles, ombrelle, balles 4 deux et quatre mains, ils ont tenu en haleine les petits écoliers fascinés par leur adresse. La réflexion d’un petit blond aux yeux bleus en témoigne: «Ca c’est pas facile. Tu peux essayer. Ca va pas faire.» James Brown, surtout, a réalisé des passes difficiles. Il a été a la dure école du fris- bee. Originaire de Vancouver il a été champion du Canada dans cette discipline pendant quatre ans. Sylviane Allard ést passée maitre dans l’art de maintenir l’attention du public entre les numéros. En effet, leur spectacle ne se limite pas a des passes de mains spectaculaires: il y a une mise en scéne de la Les critiques des six spectacles du Salon du livre ne s’'appliquent qu’aux jours ov nous les avons vus. Certains artistes ont en effet remodelé leur production d'une représentation a l'autre. Sylviane Allard et James Brown Ca Sylviane Allard et James Brown musique, des costumes . . . Chaque numéro a sa per- sonnalité. Dans le premier, ils jouent a travers un miroir fictif. Dans la meilleure tradition de Guignol, ils font semblant de se réprimander, se volent les quilles, et finissent par se réconcilier. Parfois, leur mise en scéne les entraine dans la science fic- tion, le rock and roll ou alors dans un restaurant ou les plats sont servis traités par dessus la jambe. C’est le moins que l’on puisse dire. D’habitude leur’ spectacle est muet. Pour les écoles et le Salon du livre, ils ont fait une exception: leur mime 4a la langue bien pendue. Malheu- reusement, la Salle de spec- tacle du Centre culturel con- vient mal a des jongleurs et ils ont eu quelques hésitations. Les enfants, eux, n’ont rien remarqué: leurs yeux bril- laient trop pour s’attacher a ces détails sans importance. Smssuprs’ J-Pierre Leblanc et Claude Giguére Par Annie Granger «Nous voyagerons a une vitesse de croisiére . . . atta- chez vos ceintures . . .»l’Odys- sée, a travers le temps, prend son envol. Jean-Pierre Leblanc et Claude Giguére vont pendant une demi-heure faire découvrir 4 une centaine d’adolescents, venus de la région et de TIEtat de Washington, la musique depuis ses débuts jusqu’a nos jours. * Aidés d'une calimba (cour- séchée), d'une cithare, d'une flate de pan, de violons, de guitares et d'une bombar- Jean-Pierre Leblanc et Claude Giguére de, Jean-Pierre et Claude jouent de la musique tradi- tionnelle et primitive, de la musique purement classique —€poque de Bach et de Verdi —, de la musique populaire et ses gigues. Claude enchainera musiques classique et tradi- tionnelle d’un coup d’archet qui déridera ces jeunes d’une quinzaine d’années : public si difficile 4 satisfaire, alors que la veille, des spectateurs plus jeunes “sautaient sur place” dira Jean-Pierre. “L’Odyssée” un spectacle un peu différent de celui de l’année derniére mais sans surprises. Excellent Par Jean-Francois Fournel Les Choquette décident de quitter le Québec pour venir sinstaller dans les prairies. Jacques, le pére, part en Alberta en laissant femme et enfants. I] trouve un lopin de terre, y construit une cabane en rodin, travaille, seul, puis va enfin chercher sa famille - au train. D’abord décue par le «palais» que son mari lui avait promis dans ses lettres, Marie-Louise décide _ de retrousser ses manches. A eux deux, Jacques et Marie- Louise finissent par arracher une récolte a cette terre vierge et farouche qui devient la leur. Cette histoire est celle de centaines de pionniers venus du Québec pour se fixer dans les prairies. | C’est aussi le scénario de Salut. prairies, nouveau pays. Pendant une heure, Jeanne et Pierre Lamoureux __ dansent,chan- tent, racontent, pour appren- dre «par le coeur» l’histoire des pionniers aux enfants des écoles. Ils ont fait du théatre his- torique une spécialité. Ori- ginaires d’Edmonton ils s'attachent surtout a l’aven- ture des pionniers des prai- ries (l’an dernier, ils ont monté Les bots brilés qui décrivait la vie des voya- geurs). Subventionné par le gouvernement albertain et la Fédération culturelle des Canadiens frangais, leur nou- veau spectacle leur a pris cing mois de travail. Ils ont concgu les thémes généraux et les ont confiés a un auteur anglophone Michael Charrois; puis le texte a été revu par Laurier Gareau pour lui donner une touche francophone avant d’étre finalement repassé dans les mains de Jeanne et Pierre Lamoureux. |... ; Leur spectacle est. un com- promis réussi entre le diver- tissement et la pédagogie. Avant chacun de leur passage, ils envoient dans les écoles une brochure expli- Joanne et Pierre Lamoureux quant l’histoire des pionniers, donnant |l’explication des mots qu’ils emploient (hec- tare>: herse. a dents...) et! conseillant © une’ “petite: bibliographie. Un. spectacle de-~. Jeanne<< et Pierre Lamoureux, ¢a se prépare. Pour mieux s’amuser le jour de la représentation. Une fois sur scéne, ils Joanne et Pierre Lamoureux, et leurs assistants invitent les enfants a taper dans leurs mains, a chanter et a monter sur l’estrade pour jouer. eux-mémes la batteuse ‘de béurfé of le bicheron. Méme les professeurs sont parfois mis a contribution: quoi de plus rigolo que de voir son maitre danser la gigue dans une bassine? Bref, c'est bien l’école finalement. Nouveau Par Daniel Sans-Cartier En cherchant du travail dans la Vallée de l’Okanagan, de jeunes «cueilleurs» venus du Mexique, de Paris et de tous les coins du Québec, se ren- contrent. Fatigués de leur propre milieu, ils croient trouver-la soleil, semaine de 30 heures, gros revenus . . L'imagination fait méme nai- tre un verger ou les pommes poussent sous les palmiers. La réalité se veut plus cruelle: ces jeunes sont conduits vers le marché 4 l’esclavage. Bien qu’en soi le caractére comique ne soit peut-étre pas le genre théatral le mieux choisi pour traiter un tel sujet (une facture plus sérieuse, plus targique méme, aurait- elle sensibilis¢ée davantage le spectateur face au drame réel vécu par ces cueilleurs), le Théatre a4 semer a quand «La cage aux fruits» méme eu beaucoup d’imagi- nation pour recréer ces cir- constances. Mise en scéne réussie, fabriqué de jeux de toutes sortes (chorégraphies, danses, chansons, musique, monologues et éclairage) qui marquent tout a fait chaque situation, La représentation donnée au Salon du livre marquait lavant-derniére de La Cage aux fruits, premiére réalisa- tion de la toute nouvelle troupe du Théatre a semer. Basé dans l’Okanagan et créé par une idée de Donald Pharand, le Théatre 4 semer espére davantage amener le théatre vers les petites com- munautés. Par exemple en ouvrant un café-théatre a Granfort, en organisant des spectacles pour la Saint-Jean et en montant une autre piéce — pour l’an prochain . . . Décevant Par Jean-Francois Fournel Aprés le succés de M’as dire comme on dit, présenté au Centre culturel en décembre Denise Guénette Denise Guénette dernier, on attendait beau- coup de cette soirée au Robson Square ou Denise Guénette devait donner la réplique a Denise Guénette. De plus, compte tenu de son attitude lors du_ spectacle amateur La Cage aux fruits (elle est sortie au milieu de la représentation) , on se prépa- rait a déguster un spectacle ultraprofessionnel. I] n’en a rien été. Nous avons assisté 4 un trou de mémoire, 4 un musicien se prenant les pieds dans le micro et 4 unemonologuiste demandant 4 son pianiste de recommencer sa _ derniére phrase pour que sa réplique tombe a point. De plus Denise Guénette était bien mal entourée: son pianiste ressem- ble a un agent d’assurance et Vaccordéoniste se tient en scéne comme un poteau télé- graphique. Cela fait vraiment beaucoup d’erreurs pour uhe professionnelle . . . Denise Guénette n’était pas au mieux de sa forme (elle l’a elle-méme reconnu) et la qualité de ses monologues en a souffert. Alors qu’au Centre culturel ses textes les plus «gri- vois» passaient comme une lettre a la poste quand ils étaient dit par quelqu’un d’autre, elle n’a, elle méme, pas tout a fait échappé au piége de la _ vulgarité. Huguette Lacourse a un rée] talent de comédienne, Denise Guénette est auteur- compositeur-interpréte; une nuance qui explique pourquoi une réplique comme J'ai poussé le cri primal et mon mari l’a pris mal» fait rire dans la bouche de l'une. et tombe a plat dans celle de l'autre. Par contre, on ne peut nie a Denise Guénette son sens de la scéne. En bonne profes- sionnelle qu’elle est tout de méme, elle a su retourner ses erreurs a son avantage en faisant rire a ses dépens. Elle aime jouer avec le public qui le lui rend bien. Sim- plement certains aiment Ventendre parler et d’autres non. Ces derniers la préférent quand elle chante. Elle a une trés belle voix, tendre et chaude, beaucoup plus forte que n’importe lequel de ses textes les plus travaillés. Ainsi quand elle dit la vie d’une femme lasse d’attendre son homme pen- dant de longues années, c’est vraiment trés long. Mais dés qu’elle se met 4 la chanter, cette attente, le temps passe mieux, comme |’émotion. Préte pas préte j’y vas, le titre du spectacle, cela signifie en langage «guénettien»: je prends des risques, que ¢a plaise ou non jose tout: Denise Guénette choisit de parler plutét que de chanter, d’axer ses spectacles sur la franchise plutét que sur ]’allu- sion qu'elle est parfaitement capable de maitriser. C’est un risque qui n’appartient qu’a elle. Certains aiment, d'autres non... Soporephique Eric Chartier Par Jean-Francois Fournel Demandez le programme, «Cing siécles de littérature et de poésie francaise et franco- phone...» et. . . vous serez décu. : Le spectacle de poémes d’Eric Chartier avait partout plutét bien commencé par un «Mignonne allons voir si la rose», bien dit, et par la découverte d'un _ Corneille burlesaue et ma foi assez coquin. Tout cela s’'annongait bien jusqu’au moment ow Eric Chartier s'est attaqué aux X1Xe et XXe siécles. Passe encore pour «L’invitation au voyage» de Charles Baudelaire | et pour l’interprétation de Emile Nelligan. Eric Chartier s'est ensuite offert plusieurs pages de Proust d’affilée. Dire Proust est un morceau de bravoure et il faut saluer la tentative, malheureusement seuls les deux premiers rangs en ont profité. A partir de la quatriéme rangée on n’enten- dait plus rien car Eric Chartier ne raconte pas «Les illusions perdues», il les mur- mure. Entracte. Dans la deuxiéme partie du spectacle, trés courte, Eric Chartier nous a un peu réveillés grace a un passage de «Derriére Chez mon pére», le roman d’Antonine Maillet. L’attention est vite retombée avec Prévert. Ceux qui aiment le: Prévert du Charme et du petit coup de patte . auront été décus par la diction grandiloquente de «Pour faire le portrait d’un oiseau». En fait, le spectacle d’Eric Chartier est sans doute bien adapté a un public qui veut pratiquer la langue francaise. Mais pour les autres qui veulent seulement. passer un bon moment, tout cela parait bien académique et ennu- yeux. ~ Les passionnés de poésie y trouvent peut-étre leur compte. Mais ils sont bien les seuls. .