Montreal | is par Rhéal BERCIER Montréal vieillit. En effet, la métropole du Canada se dépeuple au profit des banlieues no- tamment. Ce phénomene n‘est pas unique a Montreal et il se rencontre dans les principales villes nord-américaines. C'est ce que déclare 4 LA PRESSE le directeur de la recherche et de l’in- formation auprés de l'Union des muni- cipalités du Québec. M. Jacques Déry précise, au cours dune entrevue, que les derniers chif- {res provisoires sur le recensement revelent qu’en l’espace de cing ans, plus de 20,000 personnes ont quitté la meétropole du Canada chaque année. En effet, en 1966, l’on comptait 1,222,255 Montréalais et selon les der- niers chiffres émis par Statistique Ca- nada, ce nombre est passé a 1,197,753 en 1971. Ces_ statistiques comprennent le nombre de personnes qui résidaient dans les municipalités qui ne faisaient pas antérieurement partie du terri- toire de Montréal, ville Saint-Michel, entre autres. Il faut noter aussi que les chiffres provisoires mentionnés dans les der- niéres statistiques émises par l’orga- nisme fédéral sont habituellement plus bas que la réalité. Plusieurs facteurs M. Dery, qui est géographe, et qui ‘a été a l'emploi de la ville de Mont- réal pendant 10 ans. a titre de direc- teur. du. Bureau de recherches écono- miques, attribue ce phénomeéne a plu- sieurs facteurs. Eats * D'abord, note-t-il, le vieillissement de Montréal est attribuable a d’autres phénoménes, soit celui de la socialisa- tion (dénatalité) et de la bourgeoisie, qui amenent la famille a se loger dans la banlieue, afin notamment de s’éloigner de son lieu de travail, avoir plus d’argent et acquérir un certain prestige. D'autre part. -souligne-t-il, l’exode des résidents des autres villes québe- coises vers Montréal est beaucoup photo René Picard, LA PRESSE M. Jacques DERY moins fort depuis les cing dernieres arinées. L‘immigration Il en est de méme pour les immi- . grants qui arrivaient a une cadence accélérée vers Montréal. au cours des années passées. Aujourd’hui, ils sem- blent préferer Ontario. A Montréal, le taux d’entree des immigrants a été réduit considérablement. ' Aussi, M. Déry ajoute au nombre des facteurs de depeuplement de la métropole canadienne, le départ de — prés de 35,000 anglophones vers d‘au- tres provinces au lendemain de |’élec- tion provinciale d'avril 1970. Ce chif- fre est confirmé par des études réati- sees par le ministére québécois de l'Industrie et du Commerce. Il mentionne également que He -siewrs - personnes sont délogées de leurs maisons pour faire place aux grands travaux publics qui ont été en-— trepris 4 Montréal, au cours des der- niéres années. ; La rénovation “Ces personnes, s‘ils ne peuvent se photo LA PRESSE La ville de Montréal se dépeuple notamment au détriment de Brossard, de LaSalle, de Saint-Léonard, de Laval et de Longueuil. reloger 4 Montréal, quittent la ville pour la banlieue la plus proche. Les expropriations deviennent formule cou- rante 4 Montréal, surtout depuis que la ville a entrepris son programme de rénovation urbaine.”’ Il est a noter ici que Montréal est la seule ville en Amérique du Nord a _verser des primes aux personnes qui sont touchées par la rénovation et Vexpropriation pour les travaux pu- blics. Selon le géographe, le dépeuplement de Montréal se situe surtout a partir du. fleuve Saint-Laurent jusqu’a Rivié- re-des-Prairies. D’autre part, uné agglomeration de la population se situe dans un triangle ‘formé du fleuve Saint-Laurent, en longeant la rue Viau, la rue Sher- brooke, Je boulevard Pie IX, la Mon- tée Saint-Michel, la 11éme Avenue, le boulevard Meétropolitain, la rue Saint- Hubert jusqu’a Riviére-des-Prairies. Outre Montréal, 25 des 38 quartiers de Montréal perdent de la population. Cest done dire que plusieurs quar- tiers de la métropole contribuent au vieillissement de Montréal. Les vievx quartiers Mentionnon$, parmi ceux-ci, Lau- rier, Saint-Jacques, Ville-Marie, Sain- te-Anne et Saint-Joseph. Parmi les quartiers dont la population augmente, notons Mercier ‘ou il existe ‘une grande superficie de terrain non en- core construite”’. : Un certain rajeunissement s’effectue a Montréal au niveau commercial, mais le vieillissement est plus fort malgré tout depuis cing ans. M. Déry. émet Vopinion que cette si- tuation aura pour conséquence d’aug- ménter les frais pour les services mu- nicipaux, car l'on assiste 4 un éparpil- lement de la population a4 il en cot- tera plus cher pour desservir les ci- _toyens de fagon adéquate. Parmi ces frais, il a noté les services d’autobus, d’aqueducs, d’entretien. La solution a ce dépeuplement, ; a ses yeux, réside dans la construction’ de logements plus grands 4 prix mo- diques. Ceci, poursuit-il, est trés loin de se réaliser a cause du fardeau fis- cal notable que la ville impose aux propriétaires de maisons a logements et qu'elle doit continuer d’imposer pour rencontrer ses cots. La valeur locative Il a souligné aussi que prés de 9 pour cent des Montréalais vivent du bien-€tre social et qu’ils peuvent diffi- cilement se permettre de payer un loyer trop eleve. Nous assistons. a-t-i] soulenu. a un autre phénomene dans la composition des personnes qui vivent dans la me- tropole: ce sont des salariés moyens en grande majorité qui vivent 4 Mont- “real. Soulignons ici gue la population de Montréal compose la moitié de la po- pulation de Ja Communauté urbaine de Montréal et que c’est a Montréal que l'on enregistre le plus grand nom- bre . de families dont Jes revenus moyens sont les moins élevés. “Il.y a aussi Texode de Gicieae vivant dans d'autres villes qui arri- vent a Montréal pour trouver de l’em- ploi. Souvent ces personnes peuvent difficilement se payer un logement dont Ja valeur locative «st trop éle- vee.” M. Dery insiste sur le fait qu’il est devenu difficile pour Montréal d’arré- ter ce phénoméne qui joue a son dé- triment. D’autres villes se dépeuplent “Un grand nombre de dépenses im- prévues frappent Montréal, et per- sonne sembie en tenir compte. Les evénements d’octobre 1970, les. prepa- ratifs pour recevoir des délégations, les nouvelles taxes de vente, les nou- veaux tarifs d’impot frappent autant l’employeur qu’est Montréal que toute autre entreprise. Montréal-a énormé- ment besoin d’aide.”’ Si Montréal se deépeuple, c’est au détriment de qui? Surtout de Bros- sard, de LaSalle, de Saint-Léonard, de Laval et de Longueuil. Outre Montréal, d’autres villes souf- frent présentement de dépeuplement. En effet, la densité de la population de Westmount, d’Outremont, de Saint- Pierre, de Mont-Royal et de Roxboro diminue notablement chaque année. LE SOLEIL, 17 MARS 1972, XV