Le Moustique Volume 2 -_ 10“ édition Octobre 1999 Page Suite et fin du Monologue... Tout cet effort pour rien. J'avais fui, connu tous les dangers pour trouver une prison. Un cul-de-sac en plein ciel ! L'énergie m’'était revenue, mais c’était presque de la rage. Prisonnier dans cette cellule, je me mis a en faire le tour, comme si une ouverture secréte pouvait encore m'étre cachée. Et c'est alors que je découvris la rigole: une petite rainure qui courait au pied du mur et qui s'ouvrait, par intermittence, vers l'extérieur. Un petit tuyau, gros comme un pouce d'homme laissait apparaitre le jardin comme au travers d'une lunette. Et ¢a, c’était excitant ! Ces quelques petites gargouilles ne permettaient pas de voir grand chose, le gazon surtout, mais aussi parfois un aloés qui apparaissait tout entier tant j'étais haut. Cela pouvait suffire a mon plaisir. C’étaient souvent les petits riens qui fixaient mon attention. Le monde, si vaste et si riche, n'était-il pas fait que de petits détails ? Et celui-la, particulierement, ne manquait pas de piment alors que, prés de l'aloés, se penchait une petite soeur, tout affairée. Trés agitée, elle cherchait quelqu'un. C'était certain ! Que ce "quelqu'un" soit moi, ne faisait aucun doute et si, au fond de moi- méme, il y avait une certaine inquiétude, il y avait surtout cette fierté d'étre le centre du monde, la préoccupation de tous. Et bien naturellement, tout a mon affaire, je n'avais pas entendu monter la petite none sévére qui mieux que toutes les autres semblait lire dans mes pensées, savait toujours ou me trouver. C'était la moins naive de toutes, sans doute la plus aimante, mais certainement la plus collante ! Je ne me souviens plus de ce qui s'est passé par la suite. J'ai cette caractéristique particuliére aux gens O® ye WY naturellement heureux de ne jamais me souvenir des moments vraiment difficiles. Et pourtant, l'histoire ne s'arréte pas la ! Quarante ans plus tard, je pense encore a cette aventure. . D'autant plus volontiers que je me retrouve avec ma petite famille dans la région ou elle s'est déroulée. Ici, je suis déja repassé quelques fois, mais toujours pressé, je n'ai pas trop cherché a me rappeler. Cette fois, nous nous sommes installé dans la ville méme. On a loué pour nous une grande maison, assez laide et prétentieuse, toute de marbre blanc. Le propriétaire est un personnage inhabituel. Il se nomme Kalondji. Il est Président des rose-croix du Zaire (Tiens ! Cela existe encore ce vieux machin ésotérique ?) et Empereur des Bakuba. Tout empereur qu'll fit, il avait eté en méme temps Président de I'Etat Autonome du Sud-Kasai au début des années soixante et se montrait quelques fois pour toucher le loyer. Je le reconnais en toute sincérité, c'est la seule fois de ma vie que j'aie eu a faire 4 un Empereur-Président ! Or, pas loin de la. Presque dans la méme rue, il y avait cette grande mission des sceurs blanches que les événements nombreux et les guerres ne semblaient pas avoir trop défigurée. Etait-ce la que cette histoire s'était passée ? Je ne m'en souvenais plus ou ne l'avais jamais su. Ma mére, a l'époque, vivait dans la forét tropicale, plus de mille kilométres au nord. Dans un climat a ce point malsain qu'elle avait dd, a grand peine, se débarrasser de moi. Un jour, elle m'avait amené dans cette ville du sud, au climat plus clément. Elle m'avait laissé, malade de tous ces miasmes tropicaux, dans cette "pouponniére” de Lubumbashi. Plut6t démunie, ma mére, malheureuse comme les pierres, ne pouvait me rendre visite qu'une fois tous les six mois, les bras chargés de présents pour les petites sceurs qui prenaient si bien soin de modi. Tous ces détails, que je ne connaissais pas, mont été rapportés plus tard par des amis de la famille. Mon propre souvenir m'a fait croire