HABITATION alternative _ par Claude JEAN Nous avons vu dans le dernier article consacré a _ Yarchitecture l’évolution et la rétrogradation des constructions individuelles. Pour mettre un terme a une forme architecturale dé- _ shumanisante de lage de la Machine, un mouvement ar- chitectural nouveau s’est dé- _veloppé a travers |’Améri- ~ que du Nord, mais surtout _ aux Etats-Unis ou le climat plus doux offre des possibi- _ lités adéquates dans |'édifi- _ cation de l’habitat. Il y a des noms étroite- _ ment associés 4 ce mouve- ment: R. Buckminster Fuller _ par exemple, est le promo- _ teur du déme géodésique, et au début des années '70, les _ Maisons prenaient forme | avec un toit trés particulier, - donnant beaucoup de lumié- re, permettant d’économiser de l’énergie électrique et _ thermique. Mais aprés quelques an- | nées, son efficacité est res- _ tée incertaine, beaucoup de points négatifs ont suivi _ cette forme architecturale. La vue de Fuller sur la - société américaine et le pro- bléme énergétique |l’avaient - amené a une telle concep- tion,mais les problémes n'ont surgi qu'il y a quelques années. par Nicky BARBOUR [Suite] Lamy le fixa, bouche bée. “Mais ca... est impossible. Nous étions tous ici, en effet... la fenétre?” —‘Tl n’y a pas de fenétre”. —“En tout eas, Inspecteur, je ne l’ai pas assassiné, moi, et je mettrais la main au feu qu’aucun des collégues n'est assassin, non plus. Réjeanne est- enfin, je les connais, moi!” —“Calmez-vous, je ne vous accuse pas. Mais il me faut savoir votre emploi du temps, disons, vendredi ma- = tin: —“C’est facile.” Il était venu A neuf heures dix, était allé ‘prendre un café comme d’ha- bitude, puis s’était rendu a un bureau de la Marine _ jusqu’a midi dix. Bouchard le laissa partir, décrochant ostensiblement le téléphone; mais dés que - Vautre fut sorti du bureau patronal, il le suivit sur la pointe des pieds - 4 temps _ pour le voir en conversation animée avec les quatre au- - tres, Il soupira, et téléphona a _ la Gendarmerie. _ —‘Patron? Bouchard. J’au- ‘ais besoin d’un caporal, qui est-ce qu'il y a?... Wong? Connais pas, encore un an- _ glo-saxon... Bonne note de _ francais, tant mieux... OK, ici s'il vous plait.” — Cela fait, il se remit a examiner le bureau de la _ victime. ‘ Le déme géodésique récla- me une extréme précision de construction; de plus, cette structure découverte pré- sente souvent des fuites d'eau. Avec l’age, les structures en plastique supportent mal les intempéries. A Vorigine, cette forme ronde du toit géodésique était un symbole de contre- culture, dans une société comme celle des Etats-Unis ot les formes rondes s’agen- cent trés mal avec la forme de mobilier standard que l'on trouve dans les maisons. Le déme était appelé a es = Au fait, il y avait, la, un petit tiroir qui ne s’ouvrait pas, pourtant il n’y avait pas de serrure... Il rouvrit les ‘autres lentement, et. enten- dit un petit déclic; il essaya a nouveau - le_ petit tiroir s’ouvrit. Il contenait une enveloppe. Dans |’enveloppe il y avait des photos de femmes, la plupart en maillot; c’étaient surtour des petits instanta- nés noir et blanc. Les trois premiéres pho- tos étaient de Marie, Réjean- ne et Julie... Il les regar- dait toujours lorsqu’un jeune , homme en civil entra et le salua. “Wong.” —“Heureux de vous avoir, caporal. C’est quoi, votre petit nom?” ; —‘‘Wung Sun Li, on m’ap- pelle Sunny.” Il hésita. “Ins- pecteur?” —‘Bernie. Quoi, donc?” —‘‘Le chef m’a donné les rapports préliminaires, ce sont eux que les suspects - © enfin, les gens 1a, dans les bureaux?” —Oui, pourquoi.” —“Parce que le jeune hom- me qui dessinait regardait la fille de la réception d’une certaine facon, et le type de quarante ans, 4a la pipe, regardait une autre -” —“Une rousse? La compta- ble, Réjeanne Roy. Té, c’est un nid de valentins ici, n’est-ce pas? Regarde-moi ¢a; on sait qu’il chassait les femmes. Méme lorsque j’é- tais célibataire je n’avais pas autant de photos.” —“Et les trois d'ici, en disparaitre. “L’alternative” a pour ca- ractéristique de rechercher des bases nouvelles pour sortir de cette industrie qu’est devenue la construc- tion moderne. La crise de l’énergie en 1973 a fortement influencé le mouvement de contre-cultu- re aux Etats-Unis ainsi qu’au Canada. On remarque une certaine tendance de la population a se rapprocher des choses de la terre. Beaucoup de maga- sins d’alimentation naturel- le prennent du terrain sur les chaines d’alimentation un refuge tempo- raire et illusoire, secteur de Mont- réal, phénoméne des villes dor- toirs. A quand la réforme urbaine. LAssassinInvisible premier?” —Comme tu vois. J’ai vu des assassinats de jalousie; et a dix heures et demie, ces petits bureaux d'affaires sont vides. J’ai déja vu Lamy, si on essayait la petite Roy? Cache-toi sous un meuble. Le caporal rit, et prit une chaise éloignée, dans un coin. : —‘Mademoiselle Roy? Ve- nez un instant, s’il vous plait. Asseyez-vous, et racontez- moi comment vous avez passé vendredi matin.” —“Ben, comme d’ordinaire. Pourquoi?” —‘‘Monsieur Lamy me dit que vous arrivez d’abord vers neuf heures?” —“Oui. On a tous jasé un peu, au sujet d’un program- me de TV, je crois. Puis, j’ai travaillé les livres toute la matinée. C’est tout.” Bouchard, |’écoutant, se dit qu’elle n’était pas inquié- te; un peu hostile, peut- étre, comme si elle s’atten- dait 4 une accusation. — —‘“Trés bien, merci; vous comprenez, c’est juste la routine. Maintenant, vous niez avoir tué votre patron? Je dois poser la question.” —‘Bien sfir. Mais j’aimerais pas le voir en prison, son assassin. I] mérite une mé- daille. —‘“Pas un personnage trés estimable”, dit ]'Inspecteur, en souriant. “Voila, merci et bonj- ah, une derniére ques- tion. Qu’est-ce que vous avez fait pour la pause-café?” Elle hésita une fraction de telles que “Steinberg” et autres. Tl en va done de méme en architecture. Les prix sans cesse croissants du matériel de construction, les besoins que la société moderne impo- se dans la maison modéle standard incitent les gens a se tourner vers I'initiative de construire un autre type d’habitat avec un cachet plus personnel, 4 prix moins éle- vé et surtout en harmonie avec l'environnement. Sans parler, de la maison solaire, il y a d’autres types d’habitat, les formes sont infinies. La forme d’habitation au- jourd’hui demande de |’ima- gination, tant dans la forme que dans le choix du maté- riel. C’est ce qu’on appelle I’al- ternative. Elle’ présente La facgon dont nous vivons aujourd’hui refléte _l’image du futur. Nous avons un choix a faire entre une haute technique, la domination du monde par des corporations centralisées ou alors un mon- de libre qui ne se laisse pas imposer les volontés de l’en- treprise qui.ne demande qu’a s’adapter aux normes d’autres moyens, d’autres buts qui.se rapprochent plus de l’humain que des besoins que la société de consomma- tion a imposés dans la roman seconde. “Ben, nous sommes tous allés ensemble, au petit café la, comme toujours.” Mais Bouchard, fine mou- che, regardait ses mains; lorsqu il répéta son rassu- rant “Merci, bonjour” elles se détendirent. La jeune fille quitta le bureau, et Bouchard dit au caporal, “Tu entends?” —“Menteuse. Et elle a hési- té, aussi. Avez-vous enten- du?” —Moi, je regarde les mains. Je suis certain, aussi, que Lamy a prévenu les autres de mes questions. I] n’est .- pas stupide, pas du tout, et il sait que c’est dans leur intérét de prouver que les bureaux étaient vides 4 un moment donné de la mati- née.” —‘Mais, Inspec- Bernie, est- ce qu'il soupconne que ce soit le moment critique, 14?” —"Difficile 4 dire. Tout ce qu'il veut - ce qu’ils veulent tous - c'est que ce soit quelqu’un de l’extérieur, par exemple un mari jaloux. Faudrait qu’on prenne ces photos et qu’on voie a les identifier. D’ailleurs, il se- rait intéressant de voir si Yun de ces deux messieurs essaie de les récupérer. Alors je prends une enve- loppe, ainsi, je la remplis a nouveau de papier plié en quatre, ainsi, je les essuie bien, et je les remets dans le tiroir. Et demain on ]’enver- Ta pour voir les empreintes - on a pris les leurs.” Il referma le Wong dit: bureau. Wr siffnate’® off Mala nF ar Le Soleil de Colombie, Vendredi 6 octobre 1978 11 construction de maisons de conception médiocre _profi- tant de toute énergie plus artificielle que naturelle. L’alternative réside dans les mesures d’économie de Vénergie permettant de di- minuer la consommation d’huile et d’électricité. Il va de soi que les réper- cussions économiques sont énormes. Ce mouvement qui s'est développé a travers les Etats-unis touchait surtout les gens qui construisaient eux-mémes leur maison. Mais que faut-il penser de la vaste majorité? Quelle est l'alternative des gens a reve- nus insuffisants dans un monde dominé par le cou- rant du systéme économi- que? .de l'économie et de la socié- té. Des maisons standard pour des gens standard. Nous investissons de la mé- me facgon que nous vivons. Bien sir, plusieurs fac- teurs ont contribué a |’édi- fication d’un courant nou- veau contrecarrant la stan- dardisation de l’habitation. Le climat est un des facteurs les plus importants. Un pays ensoleillé tel que le sud des Etats-Unis offre d'immenses possibilités dans la construction et les moyens d’économiser |’énergie. Le Canada n’a pas tou- jours cette facilité. Les hi- vers sont trés froids et la policier —‘“J’appelle quelqu’un d’au- tre?” —‘Non... non, tu vas au café en face, avec ces photos, et tu fais parler une serveuse, ou quelqu’un - il est presque dix heures et demie. Et téléphone-moi OK?” —“D’accord. Bernie.” Bouchard fit venir Pierre et le pria de s’asseoir. —‘Dites-moi, monsieur Tal- bot, ce que vous pensez de Julie Lebrun.” Il sursauta, et rougit un peu. —Ju- Mlle Lebrun? Elle est- elle est trés bonne travail- leuse, je - enfin, c’est une collégue. Pourquoi?” —"‘Pour rien. Maintenant, je suppose que monsieur Lamy vous a déja dit -” le témoin sursauta encore, mais Bou- chard continuait, impertur- bable - “que je voudrais établir l'emploi du temps de chacun de vous, vous autres du bureau, vendredi matin. Par exemple, je crois savoir que vous étes arrivé 4 neuf heures, que vous étes allé vous promener a dix heures et demie au lieu de prendre un café; qu’est-ce que vous avez fait d’autre, ce matin- 1a?” —Enh! bien, rien. J’ai tra- vaillé, je fais un dessin trés compliqué en ce moment. Mais je suis allé prendre le café avec les autres. j'ai pas marché.” Bouchard soupira, et le laissa partir. Madame Mancini était le témoin suivant. Non, elle n’était pas restée seule au bureau, ils allaient tous maison solaire s’avére peut- étre moins efficace. L’alternative, qui est un courant parti des Etats- Unis, construit maintenant des maisons individuelles sous forme de coopératives. La main-d’oeuvre, le maté- riel et tout ce que la société a gros profits ne donne pas sont fournis par l'entraide de gens décidés a vivre en harmonie dans leur environ- nement. N’oublions pas que la construction (surtout en Colombie-Britannique) est un des secteurs de |’écono- mie les plus florissants. Dans la région immédiate de Vancouver la spéculation est tres forte. Les gens préférent s’entasser dans les villes centralisées, avee tous les services a leur disposi- tion, plutét que vivre dans des maisons souvent sans originalité, 4 des prix hors de portée. La gourmandise accablan- te des entreprises de cons- truction et le cofit de la vie imposé par la Société ne peut que favoriser un petit groupe au détriment d'une grande majorité qui ne peut ’ s'offrir une maison en périphérie. L’alternative aux Etats-Unis permet donc a ces gens, par l'intermé- diaire de coopératives volon- taires de réaliser leurs pro- jets fondés sur l’entraide et la coopération. prendre leur café ce matin comme tous les jours. Non, il n'y avait pas de visiteurs au bureau, vendredi. —“Et votre mari, oU travail- le-t-il?” —"Je suis veuve, monsieur _ Inspecteur, depuis cing ans.” Il ne restait plus que la réceptionniste; Bouchard y alla. En rougissant, par des oui et des non chuchotés, elle ajoutait a sa collection de réponses négatives. * —‘Avez-vous vu des person- nes étrangéres au bureau, ces derniers temps?” —‘“Non. Sauf ce policier de Victoria qui est venu deux fois.” Le téléphone somma, “Mes excuses... Bureaux de monsieur Tiessel, bonjour, good-morning... oui, il est ]a - c’est pour vous.” Bouchard prit le télépho- ne. “Bouchard...ah? Bon, a tant6t dans mon bureau.” Il racecrocha et leva la VOIX. —“Tous, vous mentez. La serveuse de votre café vous a vus tous les matins - sauf vendredi passé!” [A SUIVRE]} POEME Aprés la pluie, le soleil; aprés le gris, le bleu-elair; aprés les pleurs, un sourire - que c’est facile, la joie! — Nicky Barbour