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Suite de la premiére page
violée?» demandent aussit6t les
policiers. La jeune femme répond
par la négative d’un signe de la
téte, en se contentant de montrer
une longue égratignure sur sa
cuisse droite. Aprés avoir —

Une nuit avec la GRC

permis de rentrer dans la GRC.

Aux alentours de 23h,
Charles Garon est prét a repren-
dre la route. Cette fois-ci, une
simple affaire de tapage nocturne,
sil’onse fie aux indications de la

a Burnaby, ne le permettraient
pas.

Depuis son arrivée dans la
GRC, Charles Garon n’a jamais
utilisé son arme: «Je l’ai déja
pointée, mais jen’ai jamais tiré».

premiére fois depuis 19h, les po-
liciers de service ce soir-la impro-
visent un moment de détente pour
s’offrir quelques instants de répit,
un café et un beignet dans un
restaurant, |’oreille collée 4 leur
récepteur radio portatif.
C’est le moment ot chacun

consigné par écrit sa dépo-
sition, les deux constables
se retirent un instant pour
faire le point. Le collégue
de Charles ne croit pas un
mot a cette histoire, il faut
dire que la jeune femme a
reconnu avoir suivi un trai-
tement psychiatrique |’an-
née derniére.»Elle peut trés
bien s’étre égratignée elle-
méme la cuisse, ¢as’est déja
vu», ajoute-t-il. Charles est
~ moins catégorique, «elle
parait visiblement en état
de choc», remarque-t-il. Les
deux hommes retournent
une nouvelle fois au chevet
de la femme, pour tenter de
lui expliquer que son récit
ne tient pas debout. Excé-
dée, la jeune femme quitte
aussit6t la piéce, les hurle-
ments reprennent de plus
belle et les assiettes et les
vertes volent en éclats dans
la cuisine. La principale ta-
che des policiers - celle de
rassurer - est 4 recommen-
cer. Aprés avoir 4 nouveau
interrogé la jeune femme,
‘ses amis présents et les voi-
sins, il ne reste plus qu’a
partir, enattendant que |’en-
quéte suive son cours. ~
L’affaire est grave et
Charles Garon regoit un
appel radio lui demandant
de-rentrer au poste de police
pour en discuter avec son

se livre a des plaisanteries
douces-améres sur les con-
ditions de travail et sur
le surcroit de travail en-
gendré par le sous-effectif
du détachement de
Burnaby. Seule une dizaine
de policiers est de service
ce vendredi soir, au lieu des
20 officiers qui devraient
théoriquement se trouver
en poste. Avec les vacan-
ces, les congés pour mala-
dies, ils ne seront que qua-
tre en tout et pour toute
la semaine suivante. «Ici
nous sommes 250 au to-
tal, @ Vancouver ils sont
plus de 1200», affirme
un gendarme en tournant
la cuillére dans son café.
La radio se remet.a cra-
cher, signal du départ pour
les policiers qui regagnent
leurs véhicules. Cette fois-
ci, tous les véhicules sont
mobilisés pour partir a la
recherche d’un homme
poursuivi en voiture depuis
Vancouver et qui se serait
caché 4 Burnaby. Les auto-
“mobiles de la police de
Vancouver fleurissent dans
les rues de ce quartier rési-
dentiel de Burnaby, la GRC
leur préte main-forte.
Charles Garon tourne lui
aussi pendant au moins
trente minutes, sans suc-
cés, pas plus que l’armada

supérieur. «Les gens nous
regardent souvent comme
si on savait tout, mais dans cer-
taine situations, on ne sait pas
trop quoi faire, par exemple, pour
les disputes de famille. Il est im-
portant de pouvoir parleravec un
responsable», remarque Charles.
Conformément aux indications du
sergent, Charles étudiera le dos-
sier de la jeune femme, et enqué-
tera auprés de l’institut de santé
mentale de Burnaby ou elle a sé-
journé. Plus tard, le soir méme ou
le lendemain, une autre équipe
d’enquéteurs ira de nouveau in-
terroger la jeune femme pour vé-
rifier sa version des faits.

«Pas un soir n’est pareil»

Il est déja 22h30 et Charles
travaille toujours sur ce dossier, il
lui faut encore rédiger son rap-
port. «Ce n’est pas comme dans
les films, il y a beaucoup de tra-
vail administratif», explique-t-il,
tout en affirmant avoir choisi ce
métier pour pouvoir «aider les
gens» et aussi parce qu’il avait «le
gout de l’aventure»: «Il n’y a
pas un soir qui est pareil» ré-
sume-t-il. Six mois d’études a
lV’ Académie de police de Régina
et six mois d’entrainement sur
le terrain 4 Burnaby lui auront

radio. A l’entrée de l’immeuble,
la concierge attend avec impa-
tience pour raconter ses déboires
avec l’une de ses locataires, déja
connue de la police. Charles de-
mande une «couverture». Quel-
ques minutes plus tard, il monte a

- étage avecsoncollégue. Lecou-

loir résonne d’éclats de voix et de
musique mais surtout, une sou-
daine odeur de marijuana prend
immédiatement a la gorge. Charles
frappe a la porte. La locataire de
lV’ appartement blémit a la vue de
Vuniforme et tente aussit6t de re-
fermer la porte. Mais Charles la
bloque avec son pied et franchit le
seuil. Son visage, pourtant affa-
ble, se durcit. Les gaillards éche-
velés, biére 4 la main, qui se tien-
nent devant lui, ne s’en laissent
pas compter. Charles est obligé de
reculer dans le couloir. Il n’a pas
le droit de pénétrer dans |’ appar-
tement sans mandat de perquisi-
tion. Pour le bruit, tout juste peut-
il se montrer convaincant pour
que la musique soit baissée. Pour
la drogue, inutile de perdre au
moins une heure a aller chercher
un mandat pour fouiller les lieux,
il serait trop tard. Et de toutes
facons, les effectifs, par trop ré-
duits, du détachement de la GRC

Vendredi 17 juillet 1992

Ilest encore parfois difficile d’af-
firmersonautorité de policierlors-
qu’on a 24 ans. «/l ne faut pas
forcément se montrer. agressif,
remarque-t-il. // faut montrer
qu’on a confiance en Soi.» .

La nuit avance. Aprés un
systéme d’alarme déclenché par
erreur dans un magasin, un con-
trdle de routine d’une automobile
et une nouvelle affaire de tapage
nocturne, il est déja 4h30 du ma-
tin. Dehors, le jour se léve. A
V’intérieur d’une maison de
Burnaby, deux femmes en che-
mise de nuit, les traits tirés, sem-
blent a bout de nerfs avec leur fils
et petit-fils de 27 ans qui menace
de mettre fin a ses jours sion ne le
laisse pas libre de vivre sa vie.
Charles Garon, quia entendu l’ap-
pel a la radio, se rend sur place
pour préter assistance 4 son collé-
gue. On ne sait jamais. Dans ce
cas précis, la présence de Charles
ne se révéle pas d’une grande
utilité.

Sous-effectif
Ce n’est plus tout a fait la

nuit, ni encore le matin et la radio
se fait plus silencieuse. Pour la

Le Soleil de Colombie

de chiens renifleurs de la police
de Vancouver. Un autre appel
oriente Charles vers un nouveau
quartier. Une autre voiture de la
GRC est déja arrivée sur place
quelques instants plus tét. La en-
core, une dispute familiale. Un
homme et une femme sont assis
autour de la table de leur cuisine,
en larmes, le visage ravagé par la
fatigue etl’ émotion. Histoire d’une
triste banalité, celle d’un mari
ayant frappé sa femme au retour
d’une soirée entre amis, trop arro-
sée. Charles interroge le mari dans
la cuisine, son collégue en fait de
méme avec l’épouse dans une
autre piéce, tandis que les enfants
ensommeillés sont intrigués par
les uniformes. L’>homme se con-
fesse, raconte ses déboires avec la
drogue et l’alcool qu’ il avait pour-
tant abandonnés pendant plu-

-sieurs années. Une nouvelle fois,

Charles et son collégue- tro-
quent leurs casquettes de repré-
sentant de la loi pour celles
d’assistants sociaux ou conju-
gaux. Les témoignages sont écou-
tés avec attention. Aprés quel-
ques remontrances et des mises

en garde, il est convenu que ©

Charles repassera rendre visite au
couple quelques jours plus tard
pour prendre la température du
ménage.

Il est presque 7 heures, le
moment de rentrer au poste. Non
sans soulagement, Charles gare

sa voiture. Mais pour lui, la nuit, 4

ou la journée, n’est pas encore
terminée. La rédaction des rap-
ports qu’il n’a pas eu le temps de
finir lui prendra encore deux heu-
res au moins.

Renaud Hartzer
|

Le

Soleil

de Colombie

Le seul journal en francais

de la Colombie-Britannique

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Journaliste: Renaud Hartzer

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