Les premiers pas d'André Mathieu cénes de village En recevant Demain tu verras, roman d’André Mathieu publié aux édi- tions Québec/Amérique, je n’ai pu résorber un cri d‘étonnement:, ‘Quelle brique! On pourrait batir quelque chose avec ca * Et je ne croyais pas si _ bien dire, car André Ma- thieu est un nouvel auteur au style touffu mais puis- sant, passionné mais tou- jours clair et souvent trés coloré. Ceci ne veut toute- fois pas dire que Demain tu verras soit un roman tout a fait réussi. Si je n’ai pas vu le temps passer en allant voir le 1900 de Bertolucci, il n’en fut pas de méme avec Demain tu verras. Ce ro- man contient en effet plu- sieur longueurs, longueurs qui ne sont pas attribua- bles 4 des effets descrip- tifs, comme cela se produit souvent dans des cas de premier roman, mais 4 une sorte d‘inepsie, commune ‘a plusieurs auteurs, 4 cou- per court a certaines scé- nes. A une sorte d‘impuis- sance 4 se détacher des actions “‘seconde par se- conde” des personnages, a saisir l'essentiel d'une par André Carpentier scene et a élaguer le reste. D‘autre part, Mathieu fait un emploi abusif du style direct; d’autant plus abusif qu'il maitrise en- core mal cet art difficile du dialogue. Le style y est trop souvent le méme que dans le narratif et on n'y sent pas les caractéres dis- tinctifs des personnages... Mais je ne voudrais pas laisser le lecteur avec une mauvaise impression de ce roman. Car André Mathieu est définitivement un au- teur a suivre de prés. Peut- étre a-t-il seulement be- soin d’étre conseillé. Et pourquoi pas? Dans un univers artistique aussi foi- sonnant que celui du ro- man, la ou plus souvent qu‘autrement les qualités techniques appartiennent a plusieurs et ou |'effort de nouveauté fait souvent la différence, il n’est plus suf- fisant d‘avoir du style et du talent. Encore faut-il sa- voir raconter... et raconter des choses qui intéressent le lecteur. Et il n'est pas sSujhite facile d’avoir du style, du bagout et du rythme dans un roman de plus vingt milles petite lignes serrées. Je me souviens d’un in- terview de Michel Trem- blay, il y a quelques an- nées, dans lequel ce der- nier manifestait le désir d’écrire un roman de lon- gue haleine, ala maniérede Caldwell ou de Joyce. Et je me suis toujours de- mandé d’ou émergeait ce désir incongru de réaliser “la somme dans un uni- vers de concision comme le nétre, univers oU nous sommes sans cesse solli- cités de toutes parts par autant d’arts que nous avons de doigts et par plus de génies que nous avons d‘heure a leur consacrer dans une année... Eton ne découvre pas une Louky Bersianik (l’Euguélion- ne, éditions La Presse) a tous les matins sur le pas de sa porte! Demain tu verras re- trace l'histoire d‘’un per- sonnage intense des Can- tons de Il’Est, prés de la frontiére Américaine, sur une période de vingt ans allant de I'Adolescence et du rock and roll au ma- riage et aux expériences _ extra-conjugales. Le tout raconté sur un ton auda- Le jour “J” du référendum! Il est toujours tentant pour un éditeur de rassem- bler la production d‘un universitaire de renom, de facon a présenter juste au bon moment un volume sur un sujet brdlant d’acti- vité comme le référendum, carrefour par excellence de l'intérét des Québécois en 1978. Inspiré par un opportu~ nisme facile, ce genre d’ini- tiative rapporte souvent plus de sous 4 I'éditeur que de nourriture au lec- teur. C’est donc avec une _ pointe de scepticisme que ~ j'ai lu ou relu Ja coliection d'articles de Gérard Ber- geron que les éditions Quinze ont rassemblés dans le volume Ce Jour- la... le Référendum. Il s'agit d’une vingtaine d’articles écrits par le pro- fesseur Bergeron pour le quotidien Le Devoir en 1976 et 1977. Le tout est précédé d‘un portrait, for- tement louangeur mais in- téressant de M. Bergeron, , est, ce qui esten traindese. paru dansisé niagazine*y _libérer par Gérald Leblanc Perspectives, en octobre 1977, sous la plume de Jean Blouin et sous le titre “Quand un théoricien descend sur le plancher des vaches”. Le volume se termine enfin par quelques chapitres inédits (une cin- quantaine de pages) sur “l'angoissante question” de l'avenir politique du Québec. Gérard Bergeron est en effet inquiet et méme an- goissé a mesure qu‘ap- proche ce jour “J” du référendum. “Il vaut mieux ses inquiétudes, ajoute-t-il cependant, que de les refouler. |] vaut en- core mieux les convertir en taches de recherche, d’au- tant que le métier y incite.” Cette angoisse créatrice de Bergeron le porte a es- sayer de comprendre par dela “les slogans politi- ques qui sont des garga- rismes’. “La seule pas- sion, explique-t-il, qui n‘a besoin d’autre justifica- tion que par elle-méme, c'est de comprendre ce qui passer’’. ll faut admettre que la présentation de ce volume en valait le coat car M. Bergeron nous aide a com- prendre, a faire éclater les slogans politiques en rap- pelant le sens de mots simples (indépendance, _ séparation, sécession, as- sociation, fédération) gal- vaudés par les monstres sacrés de la politique. Entre la noire séparation annoncée par Pierre Tru- deau et la rose indépen- dance promise par René Lévesque, M. Bergeron nous introduit aux scéna- rios ‘rosatres ou violacés”’, moins mobilisateurs mais aussi moins improbables que les précédents. Ce neuviéme livre méri- tait donc de s’ajouter a l'ceuvre de cet étonnant universitaire-journaliste, qui continue de se pro- mener de la recherche a Vactualité, de l’irréversible indépendance de René Lévesque a !'impensable . séparation de Pierre Tru- ‘deéau.>> _voyage en Espagne: ANDRE MATHIEU cieux et presque provo- quant, souvent sensuel. Un ton qui en fera plu- sieurs se piquer sur le ve- lours de leur fauteuil! Car André Mathieu, comme tous ceux qui parlent beau- coup, a tendance 4 laisser toute pudeur de cété et ay aller franchement de ses ~opinions. Il s’ensuit donc une logorrhée tantét grin- cante, tantdt gratuite, tan- tot amusante: Relevons, tout a fait au hasard, parlant d’un “Ca coite cher seulement pour se reposer. Une relation humaine peut valoir cher, mais pas une relation avec une plage ou le soleil...” Mais au coeur de ce livre a histoires multiples se confondant toutes dans une sorte de méme saga du quotidien, qui plus est le quotidien d‘un petit vil- lage avec tout ce que cela comporte de petits drames, de préjugés et de luttes personnelles, nous retrou- vons des scénes absolu- ment attachantes, méme si parfois assez crues, des bribes d'images magiques qui tiennent, comme chez chacun de nous, le temps dans une sorte d’auréole discriminatoire: on ap- pelle cela le passé, lorsque l'on parle de soi, et le rétro, lorsqu’il s‘agit des autres. Chez Mathieu, cela se traduit par des scénes qui heurteront les 30/40 dans ce qu’ils ont de plus cher; cela les heurtera parce que ce livre les forcera a pro- pulser a la surface de leur mémoire des scénes re- foulées et enterrées sous des tonnes de maturité et de responsabilité ! Un jet delumiére sur nos petits gestes indignes... comme sur des scénes ap- partenant a chacun mais jamais bien éclairées. “‘La lumiére blanche tombait en abondance sur la table garnie. Alain re- garda toutes ces choses brillantes complices de par leur éclat, des fluorescents ronds. Chaque chose avait son lieu, par les bons of- fices de la mére de Viviane, Les ustensiles d’acier inoxydable formaient des rangs stricts de rutilantes balises aux assiettes ab- sentes. En plein centre; le gateau de fiancailles, d‘un blanc chatoyant’ “Aux fruits oe lui avait ae Viviariée lee Un bon atlas des plantes magiques par Yves Taschereau Si le mouvement dure encore longtemps, il n’y aura plus de foréts au Québec! Tous nos arbres seront transformés en pa- pier pour imprimer les livres de botanique. .. C'est une mode. Inté- ressante, en autant qu’elle permet aux livres de bo- tanique de gruger un peu les étalages de livres de cuisine qui prennent toute la place chez les libraires. ‘Un des derniers-nés de cette nouvelle mode se signale par son origina- lité; cest l’Atlas des plantes hallucinogénes du monde, écrit par Ri- chard Evans Schultes et publié aux éditions de L’Aurore. L'auteur n’est pas le dernier venu; il est pro- fesseur de sciences natu- relles et directeur du mu- sée botanique de |'Uni- versité Harvard, membre de plusieurs instituts scientifiques américains et directeurdu journal Econo- mic Botany. Son _ livre est-il difficile 4 compren- dre? Par moments, oui. Certaines phrases, je I’a- voue, me laissent un peu perplexe: “Parmi les com- posés non azotés les plus importants, il ya les princi- pes actifs de la marihuana, soit les composés terpé- nophénoliques classés parmi les dibenzopyranes et appelés cannabinols, et, en particulier, les tétra- hydrocannabinols”. C’est que le livre est un “précis de chimie et de botanique’’. Mais, la chi- mie y tient heureusement peu de place et les phra- ses comme Celle que je cite ne sont pas nombreu- ses. Au contraire, plusieurs . passages répertorient les différentes plantes hallu- cinogénes et expliquent brigvement l’usage que les anciens, les peuplades primitives et certains de ‘’ nos contemporains en font. Heureusement encore, de trés belles illustrations en couleur peuvent per- mettre aux apprentis bo- tanistes de ne pas con- fondre certains champi- gnons ‘‘magiques” avec ceux, plus banals, que |’on trouve chez les marchands de légumes. Le livre est divisé en deux parties: hallucino- génes de l’ancien monde et hallucinogénes du nou- veau monde. Chaque plante est décrite succinc- tement. Les propriétés et les dangers (quand c'est le cas) de ces plantes sont aussi clairement indiqués. Mais, avis aux botanistes : les plantes hallucinogé- nes, méme si elles sont plus nombreuses dans le nouveau que dans |‘an- cien monde, se trouvent surtout au Mexique et en Amérique du sud. Conso- lons-nous, nous avons quand méme une plante bien &a nous: la Belle angélique ou, si vous pré- férez, |’'Acorus calamus linnaeus. . . Désormeaux, l’étudiant par Marie-Andrée Hamel Dans leur communiqué de presse, les éditions Québécor font appel a Marie-Claire Blais pour présenter le premier livre de Marc André Poissant: “‘Comme tout premier ro- man Paul Desormeaux, étudiant n’est pas sans imperfections mais ceux qui exercent le métier d’écrire et qui en connais- sent la difficulté savent qu’elles sont inévitables au début et que, de toute manieére, elles sont excu- sables lorsqu’elles nous permettent de découvrir la finesse d'un tempérament d’écrivain qui nait.” Ce roman, qui a plu a Marie-Claire Blais, tient beaucoup du documen- taire et de (l'étude de moeurs. L’auteur fait re- vivre les premiéres années d’existence des colléges d’enseignement général et professionnel. Nous som- mes en 1969 et un jeune garcon de milieu bour- geois fait son entrée au Cegep d‘Ahuntsic. Poussé par ses parents a s‘inscrire en droit, Paul Desormeaux se désintéressera peu a peu de ces études qu'il n’a pas choisies. A travers la découverte de l'amour, de la musique et de la drogue, il cherche obscurément sa place dans un monde qui lui est indifférent. Il est malheureux et inquiet sans cause précise, il est com- me des centaines de cégé- piens d’hier certainement comme plusieurs d’au- jourd’hui a la recherche de lui-méme et il n‘arrive pas a trouver dans ce lieu de passage qu’est le cegep un milieu propice a I’éluci- dation de ses interroga- tions. Paul Desormeaux, étudiant, c'est le drame de l’adolescence, de la quéte d’identité. Un roman somme toute intéressant. -]